Hello Joris, qui es-tu ?
Je suis Joris Galli, co-fondateur de la distillerie Papa Rouyo, et arrière-petit-fils de Papa Rouyo.
En quelques mots Papa Rouyo qu’est-ce que c’est ?
C’est un projet qui débute en 2014, une rencontre entre planteurs de canne de la région du Moule qui ont cette même problématique d’avoir des petites surfaces, et de ne pas être récolté régulièrement, et qui se pose la question des solutions pour mieux valoriser le produit de leur travail.
Et la solution elle vient de différentes discussions, de faire du Rhum différemment, un Rhum qui se voudra de dégustation. Donc toute la réflexion elle part de là, de cette rencontre entre planteurs du Moule.
Qui est Papa Rouyo ?
C’est Charles-Albert Ruscade, mon arrière-grand-père né dans les années 1900 qui commence à récolter de la canne en 1919. Une partie des cannes qu’on utilise pour la création du Rhum Papa Rouyo provient de sa récolte. Comme c’est un projet de planteur, il était naturel de donner à ce projet le nom de planteur.
Qu’est-ce qu’un contrat de colonage ?
Quand Charles-Albert Ruscade, Papa Rouyo, décide d’être agriculteur, d’être planteur, il rentre dans ce qu’on appelle un contrat de colonage, un contrat un peu spécifique à la Guadeloupe, qui se rapproche un peu de certains contrats de servage qu’on peut avoir en métropole. L’agriculteur loue les terres et doit, par sa récolte, payer la location de ces terres.
Comme dans tout contrat de location, il était supposé que si c’était les terres étaient un jour mises en vente, les occupants, en fait avaient la priorité au rachat, ce qui effectivement ne s’est pas passé comme ça. À un moment de l’histoire, les organismes qui s’occupent du foncier ont voulu récupérer les terres sans permettre aux planteurs d’avoir cette priorité à l’achat, et donc il a fallu un procès qui va durer quasiment 17 ans. La fille de Charles-Albert, ma grand-mère, Danielle Gali, va fédérer un certain nombre de planteurs qui sont dans la même situation et dans la même zone autour d’elle, et obtenir le droit de pouvoir racheter ces terres.
Quelles sont les valeurs de Papa Rouyo ?
Pour nous, Papa Rouyo et Charles-Albert Ruscade, et tout le choix de cette personnalité et qui je le répète est mon grand-père, revêt un certain nombre de valeurs de travail, d’abnégation, de sérieux, de famille qui aujourd’hui font partie de l’ADN du projet Papa Rouyo. Ensuite ce sont les valeurs qui s’attachent à ces terroirs que l’on met en avant, aux variétés de canne, aux méthodes culturales, au climat, à la terre, et surtout à l’impact humain derrière.
Toutes ces choses-là, on a voulu les mettre en valeur dans le projet Papa Rouyo, et dans tous les choix qu’on a pu faire : du type de variété au mode de plantation, en passant par la durée des fermentations, au choix de distillation jusqu’à la partie élevage ou le choix des bois, le choix des chauffes. Tout ça pour avoir un produit, qui soit le plus différencié, le plus différenciant par rapport à ce qui se fait, qui déjà en Guadeloupe est de très grande facture.
Mais proposer une autre couleur à la palette des excellentes choses que l’on fait déjà, et si ça doit plaire à un certain public, on en sera que plus satisfait de ces combinaisons de valeurs qui ont donné au final ces produits que sont Papa Rouyo Le Rejeton, Papa Rouyo Sanblaj aujourd’hui et bien d’autres à l’avenir.
Pourquoi le nom Rejeton ?
Le rejeton c’est l’enfant, le descendant, c’est aussi un hôtel restaurant que ma grand-mère Danielle possédait sur la ville du Moule, là aussi déjà en référence à l’univers de la canne. Mais le rejeton c’est surtout les petites cannes, les rejetons de cannes, qui poussent après les cannes en sur-maturité, et qu’on appelle des cannes rejetons. Donc pourquoi tout ça ? C’est pour dire que sur ces premières cuvées, on a utilisé une partie de canne en sur-maturité, une partie de rejeton, qui donne effectivement un goût assez caractéristique. En termes de variété, on a de la canne Rouge, et de la canne Matos, qui donnent cette spécificité particulière au rejeton.
Quels choix avez-vous fait pour créer le Rejeton ?
Le choix des variétés ensuite le choix de l’utilisation de la canne longue. Pourquoi la canne longue ? C’est pour avoir une qualité de jus, une fraîcheur optimale. On a fait le choix aussi d’avoir le moulin le plus proche possible des champs, de manière à ce que le temps entre la coupe et le broyage soit le plus court possible et maîtriser le plus possible les départs en fermentation.
Le choix de la levure : c’est une levure qui a été développée par l’INRA, spécifiquement pour la production d’un rhum et pour développer des aromatiques, une estérification spécifique pour le Rhum. On a aussi choisi d’utiliser une thermorégulation de nos cuves de manière à mettre les levures dans les conditions idéales pour travailler, qu’elles soient le moins stressées possible, et produire des alcools de meilleure qualité. Et donc ces différents choix entraînent des durées de fermentation en moyenne plus longues que ce qui se fait généralement.
L’intérêt d’avoir des fermentations longues et contrôlées ? C’est durant la fermentation qu’on va vraiment créer les arômes, qu’on va créer l’estérification, on va créer une partie de la structure du produit final. Donc c’est une partie, la fermentation, qui est extrêmement importante dans le produit final qu’on va obtenir, et la durée de fermentation va venir enrichir et donner un goût et une aromatique très particulière au produit. Ça ne veut pas dire que plus la fermentation est longue, meilleur le produit est. Mais en fonction des levures qu’on va utiliser, donner le temps aux levures de travailler dans les meilleures conditions de PH et de température donne à terme un vin de canne et un distillat de meilleure qualité.
La différence qu’on peut avoir par rapport aux autres distilleries des Antilles, c’est le choix de repartir sur une méthode de distillation ancestrale, la double distillation en pot-still ou en alambic donc avec une vraie double passe où on distille une première fois notre vin de canne, puis ensuite on va redistiller le brouilli qu’on a obtenu à l’issu de cette première distillation. Donc on va distiller un distillat pour vraiment venir concentrer en saveur, en aromatique, en texture le produit final, et c’est ce qui donne une des très grande singularité au produit Papa Rouyo.
Quelles sont les spécificités de Papa Rouyo Sanblaj ?
Donc “Sanblaj” pour assemblage, pour « blend » en anglais. Sur cette première édition il s’agit d’une sélection de rhums blancs Guadeloupéen, que nous avons sélectionnés en amont du projet de distillation. Le chai étant une spécialité en soi, l’idée était de pouvoir, en amont de distillation, vraiment bien comprendre comment travailler nos différents bois, nos différentes origines, nos différentes chauffes. Parce qu’on a du chêne français, mais on a aussi du chêne américain, on a aussi du fût « roux » ex-Cognac.
En tout, on a environ une dizaine de types de fûts différents dans nos chais aujourd’hui. Il était important de bien appréhender comment interagissaient ces différents fûts. Ce travail a commencé il y a environ 3 ans et demi, pour, une fois arrivé à nos distillats, qu’on ait déjà accumulé un certain nombre d’informations sur le travail de nos bois et de notre chai.
Donc aujourd’hui, on est assez fier de pouvoir présenter cette première version de Sanblaj qui est un produit très complexe, a une base de rhum en colonne, et pas en alambic, mais qui donne des notes et une expression du travail de chai que l’on va vouloir présenter dans les années à venir sur le projet Papa Rouyo.
Quel a été l’accueil des premières dégustations de vos rhums ?
L’accueil qu’on a eu des premières personnes qui ont pu expérimenter, tester, déguster nos produits est très positif. On a vraiment des personnalités qui se sont très tôt intéressées à nous, des gens dont on respecte vraiment beaucoup la qualité de dégustateur qui se sont très tôt rapproché de nous, et qui ont très tôt aussi validé notre démarche et validé la qualité des produits. Maintenant, c’est vraiment à l’aune de chaque consommateur, de chaque amateur, qui définira si oui ou non le produit lui plaît ou pas. Mais à ce stade, les retours que nous avons de ces personnalités dont je fais référence nous conforte vraiment dans nos choix et dans notre démarche.
Qu’est-ce qu’un Maître Cannier ?
Papa Rouyo étant un produit issu de la démarche de planteurs, et mettant à l’honneur jusque dans son nom un planteur, qu’il était important, un peu à l’instar du milieu du vin, de mettre en valeur ces hommes et ces femmes qui sont à l’origine, à la base, de cette production, et qui ont un vrai savoir-faire, qui ont une vraie technicité, une vraie connaissance en profondeur de leur terroir, de leurs méthodes, et qui travaillent toute l’année sur leur parcelle.
Ils ont besoin effectivement qu’on les mette à l’honneur d’une part, et d’autre part d’un point de vue beaucoup plus terre-à-terre, si on arrive pas à valoriser ces métiers, quid de la production de canne à l’avenir. Ce sont des métiers qui sont très difficiles et qui peinent à recruter de nouveaux adhérents. Et donc c’est un terme que l’on a créé, inventé on peut dire, mais que l’on ne cherche pas à s’approprier. Est Maître Cannier, tout planteur qui a une vraie maîtrise, une vraie connaissance de son travail, un vrai savoir-faire, et qui l’applique au quotidien.
Comment on prononce Goyave ?
Ça, ça fait partie de beaucoup de mots, que l’on ne prononce pas pareil en Guadeloupe ou en métropole, où on n’a pas le même usage, c’est goyave [gwa·yav].
Comme on ne dit pas voyage [vo·yaj], on dit voyage [vwa·yaj], donc on ne dit pas goyave [go·yav] mais on dit goyave [gwa·yav].
Merci Joris !